Le Jugement de Pâris – Entourage d’Ambroise Dubois, c. 1600
Huile sur toile. Seconde école de Fontainebleau, c. 1600, entourage d’Ambroise Dubois.
Du Jugement de Pâris qui devait conduire à la Guerre de Troie, notre tableau n’en retient que l’élection de Vénus au rang de plus belle déesse parmi ses pairs. Exhibant de ses doigts fins la Pomme d’or, la déesse victorieuse adresse un regard séducteur au spectateur alors que Junon, sans doute un peu jalouse, semble mépriser sa rivale. Seule Minerve, peut-être indifférente à l’issue de ce concours, détourne le regard. Ici, l’image fait écho au caractère profond de chaque déesse. Coiffée d’un casque grec et vêtue d’une robe couvrant les épaules, la pudique Minerve se montre davantage guerrière que séductrice, alors que Junon assoit son statut de reine de l’Olympe par l’éclat de ses parures de perles et de sa couronne. A l’instar du berger Pâris, le spectateur est envoûté par le charme subtil de Vénus. Ne cédant pas à la vulgarité, le peintre suggère le pouvoir érotique de la déesse de l’amour par une fine dentelle qui laisse entrevoir sa poitrine. Par l’intelligence de sa composition, notre artiste s’affranchit de l’anecdote et établit une narration fondée sur les passions et le moment fécond plutôt que sur la profusion iconographique.
Cette solution épurée s’inspire librement de celle retenue par Hans von Aachen dans une peinture similaire datée de 1593 (Musée des Beaux-Arts de Boston). Toutefois, le dessin et le coloris de notre œuvre témoigne d’une sensibilité méridionale qui nous éloigne du maniérisme de l’école de Prague au profit de celui de la seconde école de Fontainebleau « qui a fait tant de part à l’allégresse, à la frivolité, à la volupté, en même temps qu’au discours savant et aux formes rares » selon André Chastel. Si les artistes italiens (Rosso Fiorentino, Primatice) ont marqué les débuts de cette école, le second mouvement qui émerge à la faveur du règne d’Henri IV est dominé par des artistes flamands qui assument pleinement l’héritage de la Renaissance italienne. Parmi ces derniers, Ambroise Dubois préfère les compositions centrées et symétriques, sans dynamiques obliques exagérées, à l’image de notre tableau. Il trouve son inspiration dans des scènes antiques et mythologiques comme en atteste l’immense cycle de la galerie de Diane réalisé pour la reine Marie de Médicis. Également auteur de peintures de chevalet, Dubois sut s’entourer de nombreux assistants parmi lesquels pourrait se trouver l’auteur de notre tableau. A cet égard, le Metropolitan Museum de New York a attribué à un artiste français actif vers 1600 une petite gouache imitant notre composition.
Notre Jugement de Pâris est présenté dans un cadre en bois sculpté et doré du XVIIe siècle, modèle Carlo Maratta.
Dimensions : 47 x 63.5 cm à la vue ; 64 x 81 cm avec le cadre.
Biographie : On sait peu de chose sur la jeunesse d’Ambroise Dubois (Anvers, c. 1543 – Fontainebleau, c. 1615), sinon qu’il aurait pu se former dans l’atelier de Frans Floris. A son arrivée en France vers 1573, les chantiers de Fontainebleau sont à l’arrêt à cause des guerres de religion. Rosso Fiorentino, Primatice et Nicolò dell'Abbate sont déjà décédés. Ne subsiste alors comme artiste italien que Ruggiero de Ruggieri auprès duquel il complète probablement sa formation. A la suite du couronnement d’Henri IV en 1594, tout se précipite : les chantiers décoratifs de Fontainebleau sont relancés et Dubois y participe au côté de Toussaint Dubreuil qui en est le maître d’œuvre. Suite au décès de ce dernier en 1602, Ambroise Dubois devient le principal artiste des chantiers de Fontainebleau, ayant reçu la qualité de « peindre ordinaire du roi et de la reine ». Il continuera à être très actif jusque 1615, date présumée de sa mort. A la fois promoteur et successeur des fondateurs italiens de l’école de Fontainebleau, l’ascension de Dubois atteste des mutations profondes qui eurent lieu à la faveur des peintres flamands. Forts de leur propre sensibilité, ces artistes contribuèrent à faire du style bellifontain l’une des plus heureuses et originales manifestations du maniérisme.
Bibliographie :
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CHASTEL, André, L’École de Fontainebleau, (cat. exp., Paris, Grand Palais, 17 octobre 1972 - 15 janvier 1973), Paris, Editions des Musées nationaux, 1972.
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GRIMAL, Pierre, , Paris, PUF, 2002.
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WIRTH, Stanislas, , Saint-Rémy-en-L’Eau, Monelle Hayot, 2022.